La dimension sociologie de la Biodanza commence dans un sentiment émouvant et profond de fraternité et non dans une idéologie humaniste. C’est l’activation de noyaux innés de lien qui permet une modification sociale en profondeur. Les dits « changements sociaux de fond », basés sur la lutte politique, sont des changements externes où les personnes sont les grands absents. Les régimes totalitaires l’ont bien démontré. On change une classe pour une autre.
Les éthologues et sociologues classiques ont parlé d’un « instinct grégaire ». Sans doute, il existe un facteur instinctif de cohésion entre les individus d’une espèce, lié à la survie. Von Uexkull a proposé, d’une façon géniale, l’idée que l’espèce est l’organisme et l’individu est l’organe. Il a conçu les nœuds de lien biologique entre les membres de l'espèce avec une grande profondeur. Actuellement, nous savons que ce lien "invisible" transcende l'espèce et que nous sommes essentiellement et indubitablement liés par le processus de la vie et de tout l'univers.
Ces considérations éthologiques, biologiques et anthropologiques confirment seulement un fait: le lien entre les humains est une fonction bio-cosmique. L'être humain, soumis à un processus de développement historico-culturel, à l'intérieur duquel il naît et grandit, expérimente la plus violente déformation de ces impulsions d'affinité naturelle pour sa propre espèce. La pathologie de notre culture insiste, par ses moyens de communications et ses institutions, sur le développement d'attitudes de ségrégation, de rejet, d'agression et d'exploitation des autres personnes.
La culture est structurée sur un schéma de pouvoir et s'approcherait de ce que Chance appelle « société agoniste »: un mode de regroupement zoologique basé sur la tension et la peur provoquée par l'émergence du mâle le plus fort, le groupe se disposant autour de rôles et de hiérarchies de pouvoir, maintenant une vigilance permanente face à des situations de dangers pour lesquelles les uniques réponses possibles sont la lutte, la fuite et l'évitement. Chance oppose à ce mode de regroupement social agoniste, la dite société hédoniste dans laquelle la tension entre les individus est constamment diminuée par le contact: les baisers, les caresses, les étreintes. La forme agoniste a été observée chez les singes japonais, javanais et Rhésus. Et la forme hédoniste chez les grands singes: chimpanzé et gorille. Si nous extrapolons ces catégories éthologiques sur le plan humain, nous pourrions comparer les gouvernements totalitaires avec la société agonistes et on pourrait formuler une hypothèse évolutive pour expliquer l'apocalypse actuelle: l'être humain se serait glissé, au travers de son évolution, vers la ligne agoniste, amenant ces modes de relation agressive jusqu'à ses ultimes conséquences.
Le nœud de notre problématique sociale serait de modifier notre schéma de vie agoniste et le transformer, progressivement, en un style de vie hédoniste ou, au moins, introduire dans le schéma agoniste l'élément fondamental capable de diminuer la tension entre les humains: le contact, la caresse, la fonction lucide d'offrir du contenant à l'autre.
Ce changement ne peut être seulement idéologique. Il s'agirait d'activer les noyaux innés, biologiques, instinctifs et émotionnels du contact corporel.
La transformation sociale comprendrait donc, du point de vue de la Biodanza, d'une part, l'activation hypothalamique des vivencias de contact et d'affectivité et, d'autre part, la destruction des tabous sexuels, politiques, religieux et psychiatriques.
La destruction des tabous sexuels a commencé avec Freud, a pris de la force avec les conceptions de Wilhelm Reich et s'est étendue avec les penseurs contemporains, comme Aldous Huxley, Bertrand Russell, Herbert Marcuse, Michel Foucault, Ronald Laing, Carl Rogers et des écrivains comme D.H. Lawrence, Henry Miller, Allen Ginsberg, Violette Leduc, Jean Genet. Il est curieux que les sexologues aient très peu apporté à la chute des tabous sexuels.
Si le processus de destruction des tabous sexuels commence récemment, l'érosion des idéologies politiques est aussi un fait historique qui peut être détecté sociologiquement.
Le désenchantement des idéaux de changement social par la politique est un processus en expansion. Il y a peu de personnes intelligentes et informées qui, actuellement, proposent les consignes du totalitarisme ou des dites démocraties bourgeoises. La révolution fasciste a montré son visage devant les fours crématoires instaurés par Hitler.
Dans différents pays d'Amérique et d'Afrique, des délinquants institutionnalisés gouvernent les peuples avec des mains baignées de sang. Actuellement, aucune personne intègre ne sympathise avec le terrorisme institutionnalisé. Le totalitarisme a montré aussi son visage sinistre dans la bureaucratie assassine de Staline et dans la violence exercée contre la pensée créatrice. Les démocraties ont montré leur visage au Vietnam et dans l'exploitation, ouverte ou dissimulée, des pays dépendants.
Dans notre conception, nous nions une différence substantielle entre ces trois grands systèmes. Notre proposition consiste à commencer de nouveau, avec honneur, en activant nos potentiels innés de lien hominisant. Commencer de nouveau, en soignant notre propre malignité stupide, et apprendre les leçons de l'histoire.
Un programme de changement social pourrait se résumer par les points suivants:
- Introduire dans notre style de vie agoniste des éléments de contact qui rétablissent les noyaux innés de lien.
- Détruire les tabous sexuels, politiques, religieux et psychiatriques.
- Se relier à nouveau de façon vitalisée, avec la nature et participer à la lutte écologique.
- Aide active aux minorités ethnographiques (Indiens), aux grands groupes sociaux victimes d'exploitation et aux groupes marginalisés et discriminés.
- Lutte décidée pour les Droits de l'homme.
- Unification de toutes les forces économiques, sociales, politiques et scientifiques autour de la désaliénation.
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