Le mythe de l’éternel retour : l’être et la réalité, ontologie archaïque par Ana María Alberti, Pablo Cortés et Guillermo Retamosa
- Biodanza-Paula
- 1 avr.
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Archétypes, Répétition et Mythes
Dans le comportement général de l’être humain, les objets du monde extérieur et les actes humains n’ont pas de valeur intrinsèque autonome. Un objet ou une action acquièrent une valeur et deviennent réels parce qu’ils participent à une réalité qui les transcendent.
Le mythe est un récit explicatif, symbolique et dynamique, d’un ou de plusieurs événements extraordinaires, personnels et collectifs en lien avec la transcendance et qui manque en principe de preuve historique. Il est constitué d'une série d'éléments invariants qui peuvent être réduits à des thèmes et soumis à des crises ; il a un caractère conflictuel, émotionnel, fonctionnel et rituel et se réfère toujours à une cosmogonie (conception de l'origine) ou à une eschatologie (conception de la fin) absolue, particulière ou universelle (José M. Losada).
« Ces mythes nous parlent parce qu'ils expriment ce que chaque sujet sait être vrai en lui. »
Chacun de nous a le même corps, les mêmes organes et les mêmes énergies que l’homme de Cro-Magnon il y a trente mille ans. En vivant une vie humaine dans notre ville ou en la vivant dans les cavernes, on passe par les même stage de l’enfance, la maturité sexuelle, la transformation de la dépendance infantile à l a responsabilité de la vie adulte, le mariage, ensuite la décadence du corps, la perte graduelle de ses pouvoirs, et la mort. Nous avons le même corps, les mêmes expériences corporelles et par conséquent nous répondons aux mêmes images (Lisa Gilli).
L’être se construit selon un archétype. Les archétypes des activités profanes (celles sans signification mythique) ont souffert d’un long processus de désacralisation dans les sociétés modernes.
La Danse, par exemple, toutes les danses ont été sacrées à l’origine, une danse imite toujours un acte archétypique ou commémore un moment mythique. C’est une répétition et par conséquent une réactualisation de ce temps. Dans les mythes, des luttes, conflits, guerres on généralement une cause et une fonction rituelle, une opposition entre les deux moitiés d’un clan ou une lutte entre représentants de deux divinités commémorant un épisode du drame cosmique et divin.
L’homme archaïque créateur de modèles et d’archétypes qui ont traversé l’histoire. L’humanité archaïque s’est défendue « comme elle pouvait » de tout ce que l’histoire comportait de nouveau et d’irréversible.
L’humain moderne, créateur de l’histoire, dans la mesure où il est influencé par elle (l'histoire) se sent miné par une survie impersonnelle en ne transformant pas les événements significatifs en archétypes.
Ainsi est notre ère… tournée vers l’extermination du mythe. L’humain d’aujourd’hui, dépossédé du mythe, est affamé par son propre passé et doit frénétiquement chercher ses racines dans le passé le plus lointain.
F. Nietzsche
L’Éternel Retour
L’éternel retour est une conception philosophique du temps qui promouvait une répétition du monde où celui-ci s’éteindrait pour se recréer. Dans cette conception, le monde était ramené à son origine par le biais d'une conflagration, où tout brûlait dans le feu. Une fois brûlé, il est reconstruit pour que les mêmes actes s'y déroulent à nouveau.
Dans « l’éternel retour », comme dans une vision circulaire du temps, les événements suivent des règles de causalité. Il y a un début du temps et une fin, qui recrée à son tour un début et une fin, et ainsi de suite.
Pourtant, contrairement à la vision cyclique du temps, il ne s’agit pas de cycles ni de nouvelles combinaisons à d’autres possibles, mais de mêmes événements qui se répètent dans le même ordre, tels quel, sans aucune possibilité de variation. Friedrich Nietzsche affirmait que ce ne sont non seulement les événements qui se répètent, mais aussi les pensées, les sentiments et les idées, encore et encore, dans une répétition infinie et infatigable.
La valeur du concept d’éternel retour a été autan discutée que mal comprise. En général, on le considère uniquement du point de vue chronologique, dans le sens répétition de ce qui est arrivé.
Il est peut souvent pensé comme un des concepts les plus puissants de la philosophie morale de tous les temps : agir de telle sorte qu’un horizon infinis de retours ne nous intimide pas, choisir de sorte que si nous devions revivre toute notre vie de nouveau, nous pourrions le faire sans crainte.
Nietzsche, dans sa théorie de l’éternel retour, enseignait : l’être humain arrivera à se transformer en « surhomme » (homme transcendé) quand il arrivera à vivre sans peur.
L’idée de l’éternel retour se réfère à un concept circulaire de l’histoire ou des événements. L’histoire ne serait pas linéaire, mais cyclique. Une fois qu'un cycle d'événements est achevé, il se reproduit dans des circonstances différentes, mais fondamentalement similaires.
M. Eliade exemplifie : Comment peut-on supporter et justifier les douleurs et la disparition de tant de peuples (….) pour la simple raison que c’est le cours de l’histoire ? De nos jours, quand la pression historique ne permet déjà plus aucune évasion, comment l’homme pourrait-il supporter les catastrophes et les horreurs de l’histoire – des déportations et assassinats collectifs à la bombe atomique – s’il n’y avait par ailleurs aucun signe, aucune intention transhistorique, si de telles horreurs ne sont que le jeu aveugle de forces économiques, sociales ou politique, ou pire, le résultat des « libertés » qu’une minorité s’octroie et exerce directement sur la scène de l’histoire universelle ?
L’idée que le progrès et indéfini et toujours dirigé vers l’avant est le propre de la pensée occidentale. Dans d’autres systèmes philosophiques, comme celles orientales, on trouve l’idée que les cycles se perfectionnent, reviennent éternellement jusqu’à atteindre la forme parfaite après beaucoup de phases d’erreur.
Une conception intégrante de ces concepts est que la vie est une spirale ascendante, on ne revient pas au même point ou au même plan. Il existe, dans la répétition, la possibilité que quelque chose change, qu’une « rupture de niveau » se produise vers un plus grand état d’intégration.
Répétition, étymologiquement signifie redemander, ce qui implique la possibilité de trouver de nouveaux sens à l’existence (par la réélaboration de l’expérience vécue).
La réapparition des théories cycliques dans la pensée contemporaine est riche de sens. La formulation en termes moderne du mythe archaïque révèle le désir de trouver un sens et une justification transhistorique aux événements historiques.
Dans ce devenir, nous avons l’opportunité de transformer notre existence en trouvant, créant de nouveaux modes de vie (de pensée, de sensations, d’action), d’abandonner les modes connus qui, bien que sécurisants, ne satisfont pas les désirs, les besoins et les projections actuelles.
Conservons les objectifs atteints et consolidons notre identité dans une nouvelle intégration, trouvons le chemin de la Création de notre propre réalité en intégration avec nous-même, dans la communauté et dans la totalité de la vie, ainsi que leur conservation jusqu’à un nouveau cycle.
Biodanza et mythes
La super vivencia du mythe de l’éternel retour (la terreur de l’histoire) : Dans les moments de crise, les agissements humains, leur signification et leur valeur, sont liés à la qualité que leur donne l’être, reproduction d’un acte primordial et transcendant ou répétition d’un exemple mythique.
La répétition consciente de certains gestes paradigmatiques renvoie à une ontologie originale. Le produit de la Nature, l’objet fabriqué par l’industrie de l’homme, trouvent leur réalité, leur identité quand ils participent à une réalité transcendante. L’acte prend sens, réalité, quand il renouvelle une action primordiale (ontologie archaïque).
L’évolution de la pensée qui fonde les changements de paradigme constitue le pont entre l'origine du mythe et la signification de ses métaphores en son temps, qui, lorsqu'elle est élucidée à la lumière de nouveaux paradigmes, réédite et rétablit sa signification.
A partir du paradigme de la complexité, biocentrique, nous dansons les mythes, actualisant en nous l’intégrité de l’identité et le sens de la vie.
Le concept d’apocatastase (Jung) situe le sens de la méthodologie vivencielle dans l’approche du mythe. Grâce à l’historicité du mythe, nous générons la vivencia, l’expérience qui crée la connexion archétypique, la resignification du sens de la vie de la personne et la projection dans les générations sur le chemin du flux de la vie.
Danser le mythe fixe, crée, forge la restauration de formes archétypiques qui, en s’actualisant en chaque être, le restaure, le réintègre et incorpore l’individu éphémère dans le grand courant de la vie.
Abordons le mythe de l’éternel retour avec les danses de la trilogie hindoue
Ces danses évoluent dans le contexte de la trilogie de la divinité indoue appelée « Trimurti » formée par Shiva, Vishnou et Brahma.
Shiva est le dieu de la danse et des changements. C’est un archétype, il vit et meurt. C’est un archétype de la créativité, de la rénovation permanente.
Vishnou est l’archétype de la conservation, du maintien en vie des choses bonnes et positives, la conservation du merveilleux qu’est notre vie.
Brahma est le dieu de la création et à une gestualité caractéristique qui fait allusion à la création du monde et des êtres.
Dans un voyage de deux jours avec des vivencias groupales nous dansons la trilogie dans une séquence différente de celle habituelle, avec comme objectif d’arriver progressivement à ce dont les participants du groupe disent avoir besoin pour faire face aux crises du moment actuel.
Danse de Vishnou, objectif : Reconnaître les avancées et l’évolution, choisir ce que je désire conserver comme soutien à de nouvelles forme, arrêter ce qui m’envahit et me dérange. La danse de la conservation est structurée pour induire un état d’harmonie sereine.
Danse de Shiva, objectif : Rejeter répéter – se souvenir – transformer, changer. Elle symbolise l’éternelle transformation de l’univers qui consiste en la cyclicité de la destruction et de la création. C’est le dieu de la danse et des transformations.
Danse de Brahma, objectif : créativité existentielle, ouvrir de nouvelles possibilités, désirer, rêver et concrétiser. Danse vigoureuse et expansive.
CONNEXION CRÉATIVE : après ces vivencias dansantes, nous passons à la connexion créative. L’expression créative avec les langages de l’art, préverbaux, offre la possibilité de commencer l’action de concrétiser, de se projeter dans une œuvre en tant que message énigmatique en mouvement, de connecter et dialoguer avec cette œuvre pour travailler sur soi.
« Un objet concret qui se réalise vers l’extérieur est un espace habitable réalisé à l’intérieur ». Minotaure, Pascual Varia – Artiste plastique
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