« La conscience éthique n’est pas une manifestation intellectuelle ou des fonctions logiques, elle a ses racines dans la manière de structurer émotionnellement le monde et la relation avec les autres êtres humains.
Le génie de l’espèce n’est pas l’intelligence mais l’affectivité orientée vers la tolérance, la compassion, l’amitié et l’amour. Développer l’affectivité, par la Biodanza, c’est travailler avec la musique et la danse dans la racine nutritive de la vie. »
Rolando Toro
Établir un horizon éthique pour une nouvelle recherche biocentrique est une priorité, nous sèmerions ainsi une position profondément engagée avec la vie et intéressée par sa conservation et son expansion.
Ma proposition est de partager une vision de la danse de la vie et du réseau affectif qui invite à penser, à changer, à nous mettre en mouvement… et des réflexions simples sur la facilitation de groupes et la vie elle-même, l’identité d’être « vivencialistes » (Garcia) et de faire avancer cette tâche grandiose et complexe d’accompagner d’autres êtres dans leur épanouissement.
« Nous avons le meilleur travail du monde et le plus difficile… » (Sinclair). En tant que participant à la grande danse de la Vie, en tant que biodanseur, en tant que facilitateur ou en tant que rossignol… tu es sur le chemin du cœur ! Je t’invite à entrer en résonance avec ce que je partage.
La pratique de la Biodanza demande des niveaux de cohérence et d’éthique affective toujours plus développés. En aimant le plus proche tu arrives à aimer le plus éloigné (Toro).
Faciliter des groupes et accompagner des processus, demande un travail constant sur soi-même et de s’ouvrir à la diversité des personnes, demande d’élargir la capacité de toucher et être touché.
Les affections humaines qui se produisent en Biodanza sont des empreintes ou des impressions que le corps reçoit quand il rencontre d’autres corps et la pensée, qui n’a pas d’autre objectif que ces affections, des indices précieux. Les vivencias sont des variations, des durées vécues, des transes de la rencontre entre deux ou plusieurs corps touchés-touchants.
Et nous revenons justement à Spinoza… à nouveau. Nous ne pouvons ignorer le sage hollandais, qui avec tant de lumière nous invite dans son Éthique, au développement d’une vraie physiologie des affects, un complexe homéostatique qui varie constamment. Ainsi, la vie animique, les états d’âme dépendent de l’interaction avec d’autres corps.
En Biodanza, nous comprenons que l’affectivité organise la perception.
Nous souhaitons vivre dans la connaissance active et vivifiante de l’éternel et du vrai! Nous souhaitons une danse qui ait de l’effet sur les passions afin de développer la vie, la séparant de la passivité à partir de l’imagination.
Imaginons plus et mieux !
Déployons le réseau affectif !
Nous, travailleurs de la vivencia nous nous constituons comme un Réseau Affectif dynamique de soutien et nous savons qu’il faut accueillir dans nos rencontres, vivencias et réflexions les différentes façons dont la vie humaine est touchée à chaque rencontre : l’éthique, l’esthétique, l’affectif, l’émotionnel, le cognitif et le pratique existent conjointement, toujours entrelacés et se touchant mutuellement.
Comment est notre façon de nous impliquer et d’expérimenter le monde ?
« Ce que nous appelons Nature nʼest autre quʼune extraordinaire solidarité de systèmes enchevêtrés sʼédifiant les uns sur les autres, par les autres, avec les autres, contre les autres: la Nature, ce sont les systèmes de systèmes en chapelets, en grappes, en polypes, en buissons, en archipels» (Morin, 1981).
Explorer les notions de dynamique de lien de réseaux et de systèmes complexes évolutifs nous donnera l’occasion de déployer quelques-unes des formes clés de l’esthétique de la pensée biocentrique.
Nous pouvons comprendre le réseau affectif de Biodanza comme une grande danse de transformations, éminemment poétique, c’est-à-dire productive et créative dans un univers-divers en permanente formation, configuration et transformation. Dans cette danse, il n’y a pas d’éléments isolés mais des « unités hétérogènes » se forment, des ensembles dynamiques et des réseaux qui n’ont pas un sens univoque, ne sont pas complètement déterminés.
Dans cet univers tissé émergent, co-évoluent et s’éteignent une grandes variété de formes dans une dynamique créative, le jeu de la vie.
Cette danse pulsante de systèmes en formation, transformation, constellation, co-formation ou interaction est celle des « réseaux fluides ».
Le réseau en Biodanza n’est pas une chose, c’est un mouvement affectif qui ne s’arrête pas. Un mouvement transformateur, dynamique, inattendu, vivenciel qui a pour défi la fluidité.
« Tout réseau peut grandir, se transformer se reconfigurer. Les ensembles dynamiques n’ont pas d’origine ni de but, ils se font en marchant » « Najmanovich, D., 1995).
Nous devons toujours tenir compte que nous faisons partie du réseau que nous prétendons connaître et que c’est la forme de notre interaction en et avec lui qui le fait émerger d’une façon spécifique.
La notion de champ biosémantique (Terrén-Scalise) permet de trouver de nouvelles formes pour accueillir les modes d’existence actuels à partir d’une connaissance intégrée des domaines d’action de la Biodanza et de l’importance des mots.
Notre propre existence dépend des configurations que nous sommes capables de créer, élargir et soutenir. Tisser ces configurations avec une connaissance de soi responsable est notre tâche actuelle.
Nous n’avons pas besoin seulement de nouveaux concepts mais avons aussi besoin de créer d’autres modes de perception amplifiée par des vivencias qui nous redonnent ce que les paradigmes anti-vie nous ont enlevés.
Il faut forger des moyens de rencontre, de nouvelles constellations vivencielles qui nous permettent de développer la pensée biocentrique et ne pas nous échouer dans les vielles expériences et les stéréotypes.
Qu’est-ce qu’être humain ? Qu’est-ce que peut un corps ?
Attendons avec les réponses. Sortons de la manie d’écouter pour contester au lieu d’écouter pour comprendre.
Nous sommes des êtres autonomes mais reliés indissociablement au réseau affectif qui englobe tout l’univers.
Les limites de notre corps sont celles de notre puissance.
Élargir nos cartographies est une façon d’étendre nos frontières, d’incorporer de nouvelles formes de toucher et d’être touché, qui nous permettraient de rendre la relation avec le monde auquel nous appartenons plus intense et plus agréable.
Nous sommes dans l’éveil des vivencias, être un avec les autres.
Nos ressources sont la danse, la musique, le langage poétique, l’humour, la connaissance profonde du corpus théorique du système.
L’exercice de faciliter la Biodanza est une tâche à temps complet. L’écoute constante de musiques, l’essai de danses et des exercices, parfois même dans l’intimité de notre foyer, la présence constante de la poésie dans notre quotidien et l’étude permanente des textes, non seulement de l’école mais de tous les auteurs qui nourrissent la théorie biocentrique.
Les consignes et concepts que nous utilisons doivent être constamment révisés, repensés, rappelés (passés par le cœur). Éviter les répétitions du manuel qui n’ont pas de sens dans notre propre vivencia. Faire des indications sur les exercices et les danses quand cela est opportun, toujours avec amour. Être respectueux des croyances, principes et susceptibilités des participants et respecter les temps de chacun.
L’exercice personnel de se rappeler ce qui nous a attiré vers la Biodanza est très utile pour ne pas tomber dans la tentation de proposer des vivencias trop farfelues. Les danses et exercices très importants sont les plus élémentaires. La pratique de la Biodanza du participant plus expérimenté ne diffère pas de celle du débutant.
Nous assistons à un temps de grande expansion du mouvement. C’est ici où le pouvoir du réseau affectif devient plus précieux : l’échange d’expériences, le partage avec générosité et, dans mon cas personnel, valoriser beaucoup le travail des facilitateurs avec plus de pratique.
Élargissons le Réseau Affectif, en apprenant à voir le fil invisible qui connecte les événements et les relations qui forment le tissu de notre existence.
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